Archibald s'engage dans la Gastronomie Sociale avec une première action concrète en faveur de Refugee Food Festival. Que fait l'association ? Comment est né le projet ? Quelles victoires ? Quelles difficultés ?... Marine Mandrila nous explique tout.
Mais qui est derrière le Refugee Food Festival ? Qui a eu cette idée ?
Derrière, c'est Louis Martin et moi-même Marine Mandrila. À la base, on vient plutôt du monde de la cuisine et du voyage. Dès la fin de nos études, on est parti faire plusieurs grands voyages autour du monde, animés par l’envie de découvrir le monde par le prisme de la cuisine. Pourquoi ? Parce qu’on est tous les deux non seulement gourmands mais aussi passionnés par la cuisine depuis très longtemps.
Louis a par ailleurs vécu en Inde. Quand on s’est rencontré, on a commencé à faire des voyages, surtout en Asie du Sud Est. Et on s’était rendu compte que la seule chose qui nous intéressait pendant les voyages, c’était d’aller manger dans les "boui-bouis", et d’aller partager un repas avec les personnes qu’on rencontrait. Alors, à la fin de nos études, on a structuré un projet pour partir à la découverte du monde via la cuisine. On a traversé 18 pays en allant cuisiner et manger avec toutes les personnes qu’on rencontrait. La cuisine était presque un alibi pour provoquer des rencontres, appréhender une ville, une famille, une région, un pays. On en a fait un livre de recettes qui s’appelle « Very Food Trip » aux Éditions de La Martinière. Et une série documentaire de 26 minutes, réunissant au total 16 documentaires diffusés sur la chaîne Planète.
Donc.. on avait ce bagage "éditorial" sur la cuisine, la cuisine du monde et le plaisir d'avoir été reçu dans ces pays avec énormément de simplicité, de générosité, de chaleur, de gentillesse.
La cuisine, la gastronomie : un vrai levier pour changer le monde ?
Oui !! La cuisine a un immense pouvoir parce que c’est la seule chose que l’on partage partout dans le monde, d’où qu’on vienne quelque soit l’âge, la catégorie sociale, notre parcours.
Etre tous autour d’une table est quelque chose d’universel. C’est un vrai socle commun de rencontre. Et en même temps ,la gatronomie, le bagage culinaire est quelque chose d'intime qui nous renvoie à notre histoire familiale. Le travail entre l’universel et l’intime est intéressant et permet de créer un levier.
La cuisine c’est extrêmement important pour valoriser des cultures, préserver des patrimoines immatériels mais constitutifs de notre identité. La cuisine permet d’ancrer une mémoire, une identité et surtout de pouvoir la partager.
C'est un outil qui permet de s’ouvrir à l’Autre, de découvrir le monde de l’Autre et de permettre l’échange.
Et si par exemple aujourd’hui, la cuisine française est aussi riche c’est parce qu’elle est issue de brassages et parce qu'elle a su absorber ces différentes influences.
Comment est né le projet du Refugee Festival ?
Quand nous sommes revenus en France à l'été 2015 après tous nos voyages, la "crise des migrants" battait son plein. Ça nous a tout simplement extrêmement marqué. D'abord pour des raisons personnelles car mon père est réfugié politique. Le traitement général de l’arrivée de ces personnes en Europe est misérabiliste et anxiogène : on en oublie que derrière tout ça ce sont des personnes comme nous qui ont simplement cherché à sauver leur vie, celle de leurs enfants, en essayant de trouver refuge dans notre pays. Et puis, c'était un tel contraste avec l’hospitalité que nous avons rencontrée partout dans le monde...
On s'est alors mobilisé d’abord à titre personnel en accueillant un demandeur d’asile chez nous. Puis on a contacté des associations. Et très vite, on s'est dit que c’était autour de la cuisine, qu’on pouvait mobiliser pour cette cause. C'est ainsi qu'on a imaginé le Refugee Food Festival. On est allé voir très vite l’agence des Nations Unies pour les Réfugiés pour leurs demander de l’aide et se former sur l’exil, l’asile, l’intégration...
Donc ça a été créé par Louis et moi en 2016. Mais aujourd'hui en 2020, on est une équipe d'une bonne dizaine de personnes. Et tout ce qu’on a réussi à faire, c’est dû à un vrai travail d’équipe.
En quoi consiste le Refugee Food Festival ?
Créer des collaborations culinaires inédites entre cuisiniers réfugiés et restaurateurs locaux, le temps d'un festival gourmand et solidaire. Depuis 2016, 19 villes internationales ont été mobilisées, 45 000 citoyens ont participé et près de 400 cuisiniers réfugiés ont été accueillis dans autant de restaurants de tous horizons.
Refugee Food Festival est porté par l'association Food Sweet Food. Quelle est la mission de l'association ?
Premièrement, faire évoluer le regard sur le personnes réfugiées en utilisant la cuisine. Valoriser des histoires, des talents, des patrimoines, des régions du monde.
Deuxièmement, faciliter l’insertion professionnelle des réfugiés dans la restauration.
Troisièmement, faire découvrir des saveurs d’ailleurs, dans le souci d’une alimentation plus durable et plus diversifiée."
Porté par l’association Food Sweet Food, ce projet s’appuie sur 5 activités :
Un festival annuel : le Refugee Food Festival
Un restaurant d'insertion "La Résidence" (à Ground Control - Paris 12ième) qui forme à la fois des Réfugiés aux métiers de la restauration et qui accompagne aussi des Réfugiés qui voudraient lancer leur propre restaurant
Un service traiteur
Des formations qualifiantes
De l'aide alimentaire pendant le Covid-19
Comment êtes-vous structuré ?
On est une association loi 1901 qui regroupe une bonne dizaine de personnes.
On a aussi une SAS qui héberge les activité de restaurant et de traiteur. Cette SAS appartient à 100% à l’asso ce qui permet de lui reverser l’intégralité des bénéfices.
Les personnes Refugiées aidées par l’association : quel est leur profil ? comment sont-ils sélectionnés et sur quels critères ?
C’est important de rappeler que ce sont des personnes réfugiées statutaires, ce qui signifie qu’elles ont obtenu l’asile en France, statut régi par la convention de Genève. En reconnaissant leur statut de Réfugié, l'État Français leur occtroie une protection sur notre territoire car ce sont des personnes qui ont subi (ou qui ont craint de subir) des persécutions pour des raisons politique, d’orientation sexuelle, d’ethnies, de guerre… À partir du moment où ces personnes obtiennent l’asile, elles ont les mêmes droits qu’un citoyen français dont celui de travailler mais pas le droit de vote. Nous, ce sont ces personnes que nous accompagnons.
Il y a vraiment tous types de profils. On a travaillé avec 59 nationalités. Des hommes, des femmes, des personnes qui avaient plusieurs restaurants dans leur pays, d’autres novices mais voulant véritablement travailler en cuisine. Des profils très divers avec un point commun : une envie de travailler dans le secteur de la cuisine.
Pour les formations en français, il y a un critère supplémentaire : celui d'un niveau minimum en français, indispensable pour pouvoir passer un diplôme comme le CQP (certificat de qualification professionnelle).
Quelles sont aujourd’hui vos plus belles victoires ?
Nos plus belles victoires aujourd’hui, il y en a beaucoup, même si on a encore beaucoup de chemin devant nous.
Le Festival a accompagné plusieurs centaines de personnes. Il a vraiment permis de beaucoup de retour de confiance en soi, de déclics chez beaucoup de personnes qui ont participé. Certains ont vraiment changé l’orientation de leur vie suite à leur participation au Festival. Et ça, c'est génial !
Quelques victoires que les personnes qui vont lire cette interview connaissent peut-être déjà c’est celle de Nabil Attar, totalement autodidacte qui a ouvert son propre restaurant "Närenj" à Orléans (NDLR : restaurant Fooding). Mais aussi Magda Gegenava dans le 19ième à Paris, Mohammad ElKhaldy à Nanterre, et qui sont passés par nos cuisines et nos formations.
Quelles sont les difficultés du Refugee Food Festival ?
Nos difficultés aujourd’hui sont multiples. Notamment parce que le secteur de la restauration est extrêmement impacté par la crise Covid-19. Notre propre restaurant est complètement à l’arrêt ainsi que notre service traiteur.
Pour être transparente, on n’est pas très optimiste sur la poursuite de ces activités.
En revanche, comme je l’ai déjà mentionné, on a mis en place une grosse logistique d’aide alimentaire pendant le premier confinement. On a produit quasiment 40 000 repas destinés aux personnes les plus fragilisées par la crise, notamment des personnes qui avaient été mises à l’abri dans des hôtels sociaux de la mairie de Paris. Pendant ce deuxième confinement, on a repris cette action : à l’heure actuelle pour les Restos du Cœurs, mais aussi pour des jeunes isolés ou bien des camps de migrants en bordure du périphérique parisien. On essaye aussi d’avoir une approche de l’aide alimentaire qui soit saine et diversifiée, c’est-à-dire qu’on cuisine des entrées, plats, desserts qui ont du goût, qui sont équilibrés, savoureux, complets, qui sont bien dressés dans la mesure du possible.On essaie ainsi d’avoir une approche cohérente avec ce que l’on fait par ailleurs. Les personnes qui cuisinent sont une partie de nos cuisiniers en insertion qui souhaitent se mobiliser pour cette action, et un grand nombre de bénévoles qui viennent nous aider à cuisiner et à distribuer les repas.
Quels sont les projets de l’association et du Refugee Food Festival ?
L'année 2021 est trop incertaine. Pour l’instant, on se concentre sur les formations et sur l’aide alimentaire. Ce n'est pas le moment de travailler sur une extension territoriale du Festival !
Un dernier mot pour finir de convaincre nos clients de soutenir ensemble cette opération ?
C’est une manière assez simple de contribuer à aider des associations comme les nôtres qui font des choses concrêtes : en ce moment chaque don nous permet de produire plus de repas pour l’aide alimentaire. Je pense que c’est important en ces temps si incertains et difficiles que le secteur alimentaire au sens large puisse se mobiliser, travailler ensemble et être solidiaire.
#AvecLesRéfugiés www.refugeefoodfestival.com Leur écrire : hello@refugeefoodfestival.com
Comments